Je suis une jeune femme, aujourd’hui étudiante pour devenir ingénieure et arborant fièrement sa cicatrice en toutes occasions.
Je suis née avec 2 malformations congénitales : une circulation intra ventriculaire qui s’est résorbée elle même et une anomalie de naissance de la coronaire avec une coronaire droite née du sinus gauche avec trajet intra mural découverte à l’âge de 10 ans. Cependant cette deuxième malformation n’était à l’époque pas considérée comme dangereuse par manque d’information.
C’est alors, en première année de classes préparatoires que l’annonce de la gravité de ma pathologie tombe. L’opération pour la réimplantation de ma coronaire droite est programmée le 3 juillet 2019 entre ma première et ma deuxième année de prépa. Pour me permettre de ne pas foutre en l’air mes études, il y a un laps de temps de 3 mois entre le rendez-vous avec le chirurgien et l’opération. Je décide, pour ne pas compromettre mon admission dans les classes plus prestigieuses, de garder l’opération à venir un secret pour mes professeurs et la plupart de mes camarades.
La règle qui régit ces 3 mois est simple : éviter le plus possible les accélérations cardiaques qui pouvait m’être fatales. C’était une période déjà très stressante car nous étions en constante évaluation et avant chaque interrogation et devoir, mon rythme cardiaque s’accélérait ; dû à la tension que l’on ressent avant un test. Mais dès que je me rendais compte de cette accélération, cela me rendait extrêmement inquiète à cause de ma malformation et mon cœur ne faisait qu’accélérer encore avec mon inquiétude et m’y faisait penser souvent. Deux semaines avant la chirurgie, j’étais avec des amis et l’un d’eux se met à courir et me propose de faire une course. Pendant les premières secondes, j’étais exaltée et je me sentais vivante jusqu’à ce que je sente mon pouls s’affoler. Je me suis arrêtée, il m’a demandé pourquoi, je lui ai menti : il était mon ami et je lui mentais naturellement depuis des mois.
J’étais si terrorisée à l’idée de mourir avant ou pendant l’opération que cela se caractérisait par la peur qu’on finisse par parler de moi au passé : « elle était » et puis finir par être oubliée. Je pensais également à ce qu’il se passerait concrètement si je mourais, j’imaginais mes parents vider mon appartement autre fois si chaleureux, décider ce qu’ils donneraient à mes amis et ma famille ; mon plus grand dilemme était de savoir qui garderait le collier que je n’enlève jamais.
Mais rien de tout cela ne s’est produit : l’opération a été un succès et ces 3 mois m’avaient confirmé que c’était le bon choix ; je les ai passé à survivre, non à vivre et je ne m’imagine pouvoir faire cela sans l’espoir d’un rétablissement. Cependant la chirurgie a nécessité un arrêt du cœur et je me réveillais avec une fracture thoracique et 13 cm de cicatrice.
J’ai passé mon été entre l’hôpital, les rendez-vous médicaux, travailler mes cours et voir certains de mes amis (les circonstances ayant fait par elles même le tri dans mes relations). Je suis ensuite retournée en cours où, comme je me l’étais promis, ma cardiopathie congénitale n’affecterait pas mes études ; elle m’a peut-être même rendue plus performante.
Je fais cette photo le samedi avant mes épreuves orales pour intégrer l’école que je visais depuis 5 ans. Je l’ai intégrée et j’y suis aujourd’hui, en 2ème année. Depuis l’opération j’ai pu rencontrer des nouvelles personnes, développer de nouvelles amitiés, consolider les anciennes, j’ai ri aux larmes, chanté à tue-tête, dansé jusqu’à en perdre l’équilibre. Je suis également allée aux rattrapages, j’ai validé mon année, essayé de devenir cheerleader, été de chaque côté du bar, j’ai embrassé les mauvaises personnes mais peut-être aussi les bonnes, j’ai eu le cœur brisé, pleuré à chaudes larmes, commencé le foot, voyagé à travers la France, appris à faire une vidange…
J’ai également appris que ma pathologie n’était pas héréditaire. Je me sens aujourd’hui tellement chanceuse d’être en vie que j’ai parfois peur de ne pas être à la hauteur de cette chance, mais cela ne m’empêchera pas de profiter de cette seconde vie avec tous ceux qui la remplissent.
Ma cicatrice en un mot : téméraire
Claire
21 ans
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